Boely-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling)Lisibilité des partitions OrganScore
Lorsqu’ils travaillent un morceau, les musiciens suivent un processus long résolution de problèmes techniques et de digestion du texte. Ce processus est sous-tendu par la mémorisation de tous ces éléments. Beaucoup vont d’ailleurs ensuite jouer de mémoire. C’est le cas, typiquement, des pianistes donnant des récitals.
Pour les organistes, il en va de même. Cependant, du fait des caractéristiques de l’orgue et de son répertoire, ils utilisent très souvent leur partition pour jouer.
La partition est donc un instrument essentiel non seulement pour le travail des œuvres mais aussi pour l’exécution en public. C’est pourquoi j’ai voulu que les partitions OrganScore soient adaptées à ces deux aspects. Cela suppose plusieurs optimisations. L’élimination des problèmes de tournes en est une importante, mais la nécessité d’une lisibilité parfaite en est une également.
Avant d’en donner quelques détails, il paraît important de préciser que le logiciel utilisé est Finale de chez MakeMusic. C’est grâce aux possibilités quasiment infinies de ce logiciel que j’ai pu à la fois optimiser les tournes et et la lisibilité. Cela a été effectué en agissant principalement sur les paramètres suivants :
- le choix des polices,
- la taille des portées et des notes,
- l’épaisseur des lignes,
- l’épaisseur et l’espacement des ligatures,
- l’espacement horizontal des notes,
- l’espacement vertical des portées et des systèmes,
- la répartition des voix entre les portées.
Il serait fastidieux et sans grand intérêt de décrire toutes les recherches et les optimisations que j’ai été amené à faire. Toutefois je vais tâcher d’en décrire quelques-unes ci-après.
La police musicale
Les polices musicales numériques se sont multipliées depuis l’arrivée des logiciels de gravure musicale. Dans cette grande diversité, un certain nombre d’entre elles sont très prisées (Maestro, Opus, Sonata, Petrucci et bien d’autres). La plupart sont très bien proportionnées et très lisibles.
Après plusieurs essais, notamment sur la taille des têtes de notes, mon choix s’est porté sur la police Maestro, qui est proposée avec Finale. Ses proportions sont parfaites et la tête des notes est généreuse. Couplée à une épaisseur de ligne bien choisie, elle procure un excellent confort de lecture.
La taille des portées
Les partitions classiques pour orgue ou piano utilisent une portée de hauteur généralement comprise entre 6 mm et 7 mm. Évidemment, en poursuivant l’objectif de supprimer ou de minimiser les tournes, il était difficile d’utiliser la partie haute de cette plage. Je me suis donc situé dans un intervalle approximativement compris entre 6 mm et 6,5 mm. Par comparaison, la fameuse édition de la BGA (disponible sous forme de scans sur IMSLP) une fois imprimée en format A4 ou en US-letter présente une portée de 6 mm.
Il s’est avéré que cette gamme était en effet suffisante pour une bonne lisibilité, car celle-ci est déjà favorisée par un choix judicieux d’autres paramètres (police, lignes, espacements, etc.) et par l’impression laser. De fait, la lisibilité d’une portée de 6 mm peut même être meilleure que celle d’une portée de 7 mm d’une partition ancienne. Certaines de ces partitions ont des lignes trop épaisses, des têtes de notes trop petites et des ligatures mal proportionnées et interférant avec les lignes de portées.
L’épaisseur des lignes
L’épaisseur des lignes (de la portée, mais pas uniquement) est un paramètre à ne pas négliger. Les partitions traditionnelles ont souvent des portées aux lignes épaisses, principalement à cause de l’impression offset (dont le principe est que le papier est imbibé par l’encre). L’impression laser permet d’obtenir des lignes plus fines. On peut alors régler un certain nombre de paramètres de manière à faire mieux ressortir le texte :
- lignes de portées et hampes de notes : celles-ci doivent avoir juste l’épaisseur minimale pour être visibles, mais pas plus, de sorte que les têtes des notes et les ligatures apparaissent contrastées ;
- ligatures : leur épaisseur et leur espacement vertical doivent être équilibrés ; les ligatures ne doivent pas croiser les lignes de portées (Finale permet d’effectuer cette optimisation) ;
- lignes de barres de mesures : légèrement plus épaisses que les lignes de portées, elles doivent être assez nettes.
Exemples
Voici quelques exemples permettant de juger du résultat obtenu avec Finale/Maestro, par comparaison avec des exemples d’édition anciennes.
Autre exemple illustrant la gravure Finale/Maestro :
Espacement des notes
L’espacement horizontal des notes dans OrganScore répond à la règle de gravure musicale traditionnelle. L’espace minimum utilisé par une valeur donnée (par exemple une noire) est égale 1,618 fois (nombre d’or) l’espace utilisé par une note de durée deux fois plus courte (croche). Il s’agit là d’un minimum puisque dans le cas de superposition des voix, il est nécessaire que les notes soient verticalement alignées, et le rapport sera supérieur à 1,618. Par exemple si une voix comporte des noires et une autre des croches, l’espacement des noire sera égal à deux fois celui des croches.
Une fois cette règle énoncée, un espace de base doit être défini, pour une valeur de référence (typiquement, la noire). Cet espace de base a été défini pour chaque morceau, et parfois pour chacune des différentes sections du morceau, en fonction de sa nature. Le choix de l’espace de base fait partie des optimisations importantes à faire pour obtenir la mise en page voulue. L’espace de base doit respecter les contraintes suivantes :
- être adapté aux durées utilisées dans le morceau (ou la section) ; un espacement adapté à une mesure 6/8 n’est pas adapté à une mesure 3/2, pour laquelle il sera trop important ;
- favoriser des espacements plutôt faibles, qui permettent une meilleure appréhension du texte et favorise la minimisation des tournes ;
- éviter les variations désagréable d’espacement d’un système à l’autre (cf. illustration ci-dessous) ; le grand format et le retour à la ligne en milieu de mesure (occasionnellement) permettent d’équilibrer le nombre de mesures par système et d’éviter ces variations désagréables.
Clés et armatures
Le choix des clés est un élément important de lisibilité. Seules les clés de sol et de fa sont utilisées dans toute l’édition OrganScore (aucune clé d’ut !). Pour les armatures, j’ai fait le choix du système moderne indépendamment des manuscrits d’origine. Par exemple les pièces en ré mineur de Buxtehude comportent toujours un bémol à la clé, sol mineur deux bémol, etc. J’ai fait une exception lorsque le titre de la pièce mentionnait explicitement une tonalité modale (« dorien », « phrygien », etc.).
Choix du papier
Un texte noir sur papier blanc est ce qui présente le contraste le plus marqué. Toutefois ce contraste peut être fatigant car le papier blanc peut s’avérer éblouissant sous l’effet de l’éclairage de pupitre. En réalité, les études sur la lisibilité démontrent que l’utilisation d’une couleur chaude en arrière-plan est bénéfique pour la lecture (cf. article traitant de ce sujet). C’est pourquoi les partitions musicales de bonne qualité — tout comme les livres des éditions luxueuses — sont imprimées plutôt sur du papier couleur crème ou ivoire.
Le papier utilisé pour l’édition OrganScore a donc les caractéristiques suivantes :
- couleur ivoire,
- légèrement satiné pour renforcer la netteté de l’impression,
- relativement épais (120g/m2) pour éviter la transparence et favoriser une tourne franche.
Conclusion
Il est difficile de résumer le processus d’optimisation effectué sur chaque œuvre et chaque volume OrganScore. La notion de «lisibilité» n’est bien entendu pas une grandeur scientifique ni même objective. Il a été toutefois possible de proposer une édition résolvant le problème des tournes sans sacrifier à la lisibilité, c’est à dire en conservant un une taille de portée comparable à celle d’une partition classique. Par exemple la lisibilité des partitions OrganScore est supérieure à celle de la BGA (Bach Gesellschaft Ausgabe).
J’ai personnellement utilisé ces partitions pendant de longues années, avec beaucoup de satisfaction et j’espère que bien d’autres organistes partageront cette expérience.
Exemples à imprimer
Certains organistes me demandent «Vos partitions sont-elles bien lisibles ?», «Ne sont-elles pas écrites trop petit ?» … Bien entendu, si vous avez lu cet article, vous connaissez la réponse : elles sont tout aussi lisibles que les partitions classiques pour orgue, et même plus claires, grâce à un espacement bien proportionné et à l’impression laser !!!
Mais le mieux que je puisse faire ici est de poster quelques extraits sous forme de fichiers PDF à imprimer… Téléchargez les fichiers ci-dessous et imprimez-les sur papier A4 ou US-letter en fonction de celui que vous utilisez (pour un rendu précis, n’oubliez pas de mettre le paramètre « mise à l’échelle » à « aucune » dans la fenêtre d’impression de votre lecteur acrobat) :
BWV-525-1-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf
BWV-526-1-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf
BWV-541-1-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf
Boely-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf
Boellmann-Toccata-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf
Gigout-Toccata-Extract-200×265-(Print-with-no-scaling).pdf